Paul et son habit neuf


Elsa Beskow, adpat. Michel Sineux, Circonflexe, 2003



 Introduction

1 - le texte de cet album commence ainsi : « L’agneau grandissait et Paul grandissait lui aussi. La laine poussait de plus en plus longue et épaisse sur le corps de l’agneau. Mais les vêtements de Paul, eux, raccourcissaient chaque jour davantage. Un jour, Paul prit des ciseaux et coupa la laine de son agneau. »
à partir de lA, l’idée d’un nouveau vêtement s’impose et sa réalisation va être possible grâce à l’aide de quelques adultes qui vont coopérer, montrant les étapes qui font passer de la laine au tissu. Mais le petit Paul va, lui aussi, participer à la fabrication d’un objet dont il a besoin.
Michel Defourny précise qu’on a parfois voulu voir, dans cet album, une apologie du travail des enfants : « En 1912, dans Le costume neuf du petit Paul, Elsa Beskow rompt avec cette pratique [le pittoresque du travail]. Au lieu de présenter en une image synthétique le travail du tailleur, elle raconte une histoire, tout en élargissant le propos. La confection du vêtement s’inscrit au terme du processus qui a transformé la laine en étoffe. Comme dans les autres livres d’Elsa Beskow, le récit a pour décor une Suède champêtre aux maisons chaleureuses en bois peint. La lumière du printemps y est douce et, à cette saison, dans le jardin, fleurs et légumes réclament des soins. (...) Pour obtenir l’aide des adultes, Paul ne ménage pas ses peines. Pour que sa grand-mère carde la laine, il a désherbé son jardin. Pour que son autre grand-mère file la laine, il a surveillé les vaches. Pour acquérir de la teinture, il a traversé le lac et acheté de la térébenthine pour le peindre. Et pour que le tailleur confectionne son costume, il a ramassé son foin, nourri ses cochons et rentré son bois. » (3) Dans l’album réédité, la postface de Michel Defourny reprécise le caractère novateur de ce livre à l’époque : « Il a rompu avec le didactisme des ouvrages de l’époque, abolissant la frontière entre le documentaire et l’album... Avant lui, des planches représentaient synthétiquement une activité humaine (artisan dans son atelier), commentée sur la page de gauche par des explications techniques. » 
Si, dans leurs présentations, les bibliothécaires de Livres au Trésor ont raison de faire remarquer que « aux très jeunes lecteurs du XXIème siècle, il serait autrement difficile d’expliquer pareil processus : la mécanisation et les « délocalisations » [ayant] remplacé l’activité artisanale à petite échelle » (4) on peut aussi ajouter un autre obstacle à cette relation entre monde du travail et jeunes enfants. La plupart du temps, le métier des parents dans les livres consiste à être parents (rares, aujourd’hui, sont les rois, les reines, les bûcherons et les chasseurs qui, autrefois témoignaient d’une organisation sociale hiérarchisée). Les rapports de domination ne sont plus explicites, les sentiments, seuls, mettent les humains (souvent représentés par des animaux) en relation. Dans cette optique, comment parler du travail aux enfants ? S’il y a du travail, c’est le travail salarié donc le travail exploité. Parti est donc pris de les mettre à l’abri de cette ‘menace’, de les en protéger : on leur fait miroiter des formations qui leur permettrait d’échapper à cette exploitation en accédant à des métiers de décision, de choix de lieux professionnels... à moins, bien sûr qu’ils ne deviennent des stars du foot ou d’une académie télévisuelle. Dans un cas, comme dans l’autre, les places sont rares et mieux vaut se taire alors sur les variations de sens que recouvre la réalité du mot travail. La formation est totalement séparée de l’activité de production5, le travail est divisé, hiérarchisé et le niveau de qualification (les diplômes) pèsent sur l’accès à l’emploi, assignant le travail manuel à ceux qui échouent : « Il ne faut pas oublier que, récemment encore, apprendre avait un sens très concret qui s’est perdu : acquérir des outils pour lutter contre l’adversité et rendre la vie plus vivable. D’où le contact physique dans les villages et les cités avec des ouvriers, des artisans, des commerçants. La proximité avec les métiers a longtemps tenu lieu d’école au sens fort du mot. Dans le même ordre d’idées, on peut observer que trop peu d’enseignants savent restituer les élans émotionnels, les étonnements, les démarches conquérantes ou dépressives qui ont fait vibrer les découvreurs. On ne tient pas assez les enfants au courant des toutes dernières découvertes qui se font dans le monde en matière de médecine, d’aviation, d’architecture... » (6)
La plainte est récurrente qui ne connaît pas d’échos. Pourtant, à une époque révolutionnaire, le travail (et le travail manuel) était présenté comme quelque chose d’enthousiasmant puisqu’il s’agissait du plaisir de réaliser une œuvre pour le bien public. Un album, aujourd’hui réédité, nous parle, et avec quel talent, de cette utopie dont la nécessité se fait tant ressentir. Étonnamment, il ne figure pas dans les sélections que nous apprécions et qui accompagnent notre travail. Pas encore ? Il est pourtant sorti en septembre 2003.

2. Comprendre le travail
Le petit cheval de feu, Vladimir Maïakovsky & Flavio Costantini, Des Lires, 2003
VoilA ce qu’écrit Michel Defourny à propos de ce livre heureusement réédité par François Ruy-Vidal : « Sans doute l’âge d’or de ce type de documentaires qui traite des processus de transformation, de fabrication, de construction... se situe-t-il en URSS, dans les années qui suivirent la Révolution de 1917. L’édition russe, valorisait alors le travail des ouvriers, paysans et artisans. Guéorgui Etcheistov traite du haut-fourneau et du travail du fer, depuis l’extraction des minerais jusqu’à la fabrication des objets usuels (1930). Alexandre Deïneka explique les activités d’un installateur des lignes électriques (1931). Olga Deïneko et Nikolaï Trochiine montrent les machines qui, l’une après l’autre, transforment la betterave en sucre. Les enfants devaient prendre conscience que même un jouet était dû à la collaboration de plusieurs artisans : voilA ce dont témoigne « Le petit cheval de feu » écrit par Vladimir Maïakovsky et illustré par Lydia Popova (1928). »

 

(1) Une « ronde des métiers » existe dans un album de Peter Sis « Madlenka » chez Grasset où une petite fille, sous prétexte qu’elle a perdu une dent, va faire le tour de son quartier pour la montrer aux commerçants. Comme elle habite New-York, les professionnels qu’elle rencontre, outre qu’ils se différencient par leur métier (boulanger, épicier, voyante...) viennent de pays différents : à chaque apparition d’un corps de métier, un pays est évoqué, ses mythes sont insérés. Plans et mappemonde aident les jeunes lecteurs à se situer dans le quartier, mais aussi à situer les nations de ces exilés, sur la carte du monde.

 



(2) LÉVINE Jacques, « Assistons-nous à l’apparition d’un nouveau peuple scolaire ? » dans Réussir l’éducation, réussir à l’école ?, p.24, Journée de Rencontre et d’échanges, 12 février 2003, Angers, CDDP de Maine et Loire, 14 rue Anne Franck, 49043 Angers cedex 01, Tél : 02 41 66 91 31



(3) DEFOURNY Michel, déjA cité pp. 12-13



(4) Quoi de neuf dans les livres pour les tout petits ? n°32, Livres au trésor et Conseil général de Seine Saint-Denis, p.1



(5) Cette vision abstraite et découpée du travail à l’école est remarquablement bien montrée dans un album ancien (1979, réédité en 1989), publié par Messidor/La Farandole : « Une girafe à l’école » de Jacqueline et Claude Held, illustrations de Pef : La pédagogie de projet, l’arrivée des moyens audio-visuels à l’école amènent les élèves d’un établissement scolaire à faire un concours pour gagner une girafe (le directeur est fan des girafes !) Ils remportent le 1er prix (une vraie girafe) et, après avoir calculé la manière de la faire rentrer dans l’école, on apprend, au CP (1er étage) que l’animal est tout en pattes, au CE (2ème étage), que l’animal est tout en corps et, au CM (3ème étage) que l’animal est tout en cou. La bête a donc traversé le système éducatif, verticalement. Les enfants, arrivant au collège, auront-ils eu la possibilité de réunir les morceaux pour construire une image globale du mammifère ? La fin ne le laisse pas supposer : au moment de la création du club de la girafe, chaque élève défile avec le morceau de sens dont il dispose. Le seule unité autour de la bête aura été commerciale puisque la ville, par ce projet éducatif, a connu la notoriété et le tourisme déferle créant des emplois... divisés.



(6) LEVINE
Jacques, déjà cité, p.23



(6) « Les éditions Des Lires ont vu le jour au printemps 2003. Au cours des années 60 et 70, l’éditeur François Ruy-Vidal (il a travaillé avec Harlin Quist, puis successivement aux éditions Grasset, Delarge et Rageot jusqu’en 1981) a bouleversé les conceptions du livre pour enfants, faisant travailler des artistes qui ne s’étaient encore jamais adressés aux enfants. Aujourd’hui, dans sa propre maison, François Ruy-Vidal réédite des albums depuis longtemps introuvables (Au pied de la lettre, de Jérôme Peignot ou La Courte échelle, de Fulvio Testa) mais propose aussi des créations. » Livres au Trésor, Sélection 2003, p.15



     

 Premières approches

- La couverture : sur un bleu sombre et intense, dans un cadre rouge et bleu clair (deux couleurs reprises au centre de l’illustration), se distingue un cheval de bois : ses muscles sont saillants, nerveux, le poil de sa crinière et de sa queue est ample, abondant et souple, son harnais est travaillé (teintes, broches et pompon) et son regard déterminé : dans l’alliance, ces éléments, donnent une impression de puissance et l’illusion du vrai. Mais les roulettes qui supportent l’animal évoquent le jouet de même que les inscriptions sur la selle (caractères gothiques) et sur le socle rappellent, avec le nom des prestigieux auteurs, qu’on est dans un livre de fiction.
- La 4ème de couverture : sous les portraits des artisans qui vont s’unir dans le livre pour fabriquer le cheval, figurent quelques notes sur l’auteur et l’illustrateur. Vladimir Maïakovsky apparaît comme un poète engagé et maudit, Flavio Costantini est présenté comme un peintre « captivé par les attentats anarchistes les plus sanglants du XIXème siècle qu’il transfigura, à sa manière inoubliable, en des sortes de vitraux païens... » Le livre entier se présente, en effet, comme un ensemble de tableaux en forme de vitraux. Quelques mots sur le texte de Maïakovsky introduisent à la lecture du livre proposé comme « une humble parabole, celle qui honore ces petits corps de métier, attachés à notre bien-être et indispensables les uns aux autres, derrière lesquels se profile l’ombre de l’irréductible cavalier conquérant qui sommeille en chacun de nous. »

 

   
     

 Pages environnantes

Tout autour du livre, dans son habillage, l’éditeur7 est présent qui rappelle les circonstances de production de cet ouvrage.
- Page de titre : s’enroulant autour du titre dans la page qui lui est consacrée, un texte donne des informations sur le nouvel illustrateur : « C’est en 1968 sur l’initiative de Rosellina Archinto que Flavio Costantini, célèbre internationalement pour son « Romancero anarchiste », réalisa les illustrations de ce poème en espalier de Vladimir Maïakovsky. »
- Préface : la préface, signée de la traductrice, Odile Belkeddar inscrit le travail de Maïakovsky au début de la révolution russe au moment où l’édition pour la jeunesse est en plein essor avec des « tirages impressionnants de petits livres bon marché, œuvre de poètes novateurs. » Plus loin, cette préface souligne l’apport de Maïakovsky : « il s’adresse à l’enfant comme à un adulte en devenir, impliqué dans la vie réelle (...) lui parle de sa participation à la société, du choix d’un métier... » Plus loin encore, on apprend qu’il adhéra au parti bolchévique à l’âge de 15 ans et fit un an de prison, l’année suivante : « c’est dire ce que la Révolution représenta pour lui (...) Poète révolutionnaire il se considérait comme « ouvrier du vers » (...) Dans Le petit cheval de feu (1927), où il est question du plaisir à réaliser collectivement une œuvre, Maïakovsky part de la demande d’un enfant, celle de posséder un cheval, qui sera satisfaite grâce à la disponibilité des adultes qui l’entourent. Cela aussi était nouveau et révolutionnaire dans les années vingt. »
- Note de fin : dans la préface, la traductrice signale qu’elle a transformé l’allusion patriotique des deux derniers vers (liée au contexte de la révolution et de la guerre civile) pour la replacer dans une perspective plus universelle et plus accessible aux jeunes lecteurs. Voici la traduction française de ce vers :
Sur ton dos, tiens bon tes rênes, en route valeureux chevalier !
Et voici le commentaire de la traductrice :
« L’injonction du dernier vers : « Va aider Boudienny ! » fait allusion à un ex officier célèbre de la cavalerie tsariste (1883-1973), qui rallia l’armée rouge en 1917 au moment de la révolution d’octobre. Il dirigera la cavalerie rouge pendant la guerre civile de 1918 à 1923. Estimé pour ses exploits, son nom sera donné à un des chants révolutionnaires : Les cavaliers de Boudienny et... à une nouvelle race de chevaux d’Union Soviétique. »
En entourant l’œuvre de divers textes annexes, François Ruy-Vidal rappelle qu’aucun livre n’est indépendant de ses conditions sociales de production (idéologiques, économiques...) Derrière chaque ouvrage, qu’un enfant feuillette, il y a un dispositif commercial qui a permis ou censuré... sa rencontre avec les mouvements artistiques, philosophiques, idéologiques de l’époque et l’endroit où il vit. 
Le reste de l’album, le corps du livre, est totalement accessible aux jeunes enfants et complètement en rapport avec notre sujet.

   
     

 Résumé

L’album, qui présente à un enfant tous les corps de métier et les matériaux nécessaires à la réalisation de son désir de posséder un jouet, met en scène les activités professionnelles de manière « fabuleuse » : les tons vifs, lumineux, font penser à des vitraux, ces objets d’art où sont également visibles, également actifs dans la force esthétique, la couleur cristalline où passe la lumière et les nervures de plomb qui scellent fermement les pièces de verre. Le thème et sa manière de traitement (le travail) sont donc indissociables.

   
     

 Ecriture

- Bilinguisme : la particularité de cet album c’est qu’il est bilingue : Français/Russe. Les caractères sont de grande taille, très noirs sur un fond très blanc. La cohabitation de ces deux langues contribue à l’esthétisme de chaque page.
- Poésie :le texte est cadencé comme une randonnée (espalier ?), sa disposition présente des lignes décalées qui traduisent les scansions :
- Métaphores : des images sur le thème du cheval truffent le texte et contribuent à rendre visible son rythme, son balancement...
Mille fois
              l’enfant avait dit et redit à son père
de lui faire, et au pas de course, un achat...
C’est ensemble et au pas cadencé,
qu’ils partirent chez le cartonnier.
- Anticipation : chaque action anticipe la suivante grâce à des questions...
[à propos de la queue et de la crinière]
- Où donc les trouver ?
LA où il y a
                 Brosses et balais.
- Et les clous ?
Des clous il en faut partout !
Synthèse : toutes les actions, on l’aura compris, sont énumérées l’une après l’autre mais, et c’est le but du livre de le montrer, elles concourent à une œuvre commune. L’image et le texte s’unissent aussi pour le dire...
Tous ensemble, ils se sont mis
à découper le carton blanc,
et à l’imprégner de colle.
Une fois les sabots posés,
le brossier posa la queue
et le forgeron enfonça les clous.
Puis, le menuisier, d’un tour de main,
ajusta les roues.
Alors le peintre avec son pinceau
au cheval
              Peint les yeux.
- Illustrations : toutes les étapes du cheval sont présentées par la réunion des matériaux. Chaque fois qu’on entre dans la boutique de l’artisan on découvre divers outils dont certains sont exceptionnels (le soufflet et l’enclume chez le forgeron, par exemple) ; on remarque aussi l’ordre impeccable de leur classement (les brosses chez le brossier) ; on peut aussi s’intéresser aux productions en cours, à quelques remarques de sécurité (défense de fumer chez le cartonnier). Tous les ouvriers sont réunis comme sur une photographie de groupe au moment de la fin de la réalisation du cheval et les matériaux sont regroupés. Quelques visages (dont ceux d’hommes célèbres, d’intellectuels) prennent la pose dans la tenue de travailleurs manuels.
Les dernières pages montrent l’objectif du jouet et de toute cette mobilisation : construit, peint, harnaché le cheval est enfin monté fièrement par l’enfant.

   
     

 Conclusion

L’ensemble de cet album est d’une rare facture, son traitement éditorial d’une exceptionnelle exigence. Le travail a un coût (présence d’une caisse enregistreuse), il n’est pas également partagé (pas de femme chez ces artisans, seul le peintre n’a pas de tablier et est assis sur son fauteuil, la main dans son gilet comme Napoléon), il rend les hommes nobles (les portraits des travailleurs présentent des hommes qui regardent fièrement le lecteur), il participe au bien commun dans une tâche où tout le monde apporte sa part dans des échanges.
Apprendre à travailler pourrait, dès le départ, être envisagé comme la possibilité de participer au bien commun : chacun selon ses moyens et à chacun selon ses besoins. Sinon, apprendre restera un mot vide où longtemps, l’activité consistera à emmagasiner des notions abstraites prometteuses d’un avenir aussi vague que lointain.

   
     

 Pistes

Ce livre est d’abord un livre à voir et à parler. Il peut donner lieu aussi à des discussions sur la façon dont sont faits les objets : on peut en démonter, en remonter, pour voir...
On peut aussi s’interroger sur les corps de métier qui ont été convoqués pour la fabrication - et la réparation - (8) d’un doudou, d’un vélo... et découvrir les jouets de cette époque (quilles, poupées, chariot et cheval de bois...)
Du côté de la lecture on peut :
- s’intéresser à ces drôles de lettres de l’alphabet russe (formes différentes, souvent des lettres sont seules...)
- remarquer ce qui est pareil (les points d’interrogation, les marques du dialogue...)
- voir les différences (les majuscules ne correspondent pas d’une ligne à l’autre, les phrases non plus...)
- essayer de retrouver les mots russes qui correspondent aux mots qui reviennent souvent : cheval de feu, magasin...)
- remarquer le rythme des phrases, faciles à retenir parce qu’elles sont courtes, elliptiques...

 

 

(8) Dans Ernest et Célestine ont perdu Siméon, G. Vincent, Duculot, on voit que la perte du doudou va exiger sa reproduction : patron, couture... rien n’y fait, la particularité du doudou fait qu’il est irremplaçable. Mais le lecteur, avant cette conclusion, aura assisté à toutes les étapes de production.

     

 Réseau

Chez Adama, Véronique Vernette, Points de Suspension. On est au Burkina Faso, dans une ville trépidante où dans un garage, chacun vient conduire les engins qui ne fonctionnent plus : des voitures, des mobylettes, des vélos et aussi ces voitures à roulettes que se fabriquent les enfants des pays pauvres. Témoins de cette activité, les enfants sont aussi les consommateurs de ces services.
Frédéric,Leo Lionni, L’école des loisirs. Les mulots obligés de travailler pour engranger des provisions pour l’hiver. Seul, Frédéric, semble inactif. Aux reproches de ses camarades, il répond qu’il travaille, pourtant : il fait provision de soleil, de couleurs, de mots... Dans le terrier, quand les provisions viennent à manquer et que le printemps tarde, Frédéric partage ses provisions : il prodigue, par ses poèmes, l’espoir, affirmant que, dans une communauté, le rôle de chacun est indispensable à la vie du groupe.
Pain, beurre et chocolat, Alain Serres & Le 109, Rue du Monde. Une petite fille qui rechigne à manger son sandwich prend progressivement conscience de tous les travailleurs qui ont été nécessaires pour qu’arrive ce goûter jusqu’à elle. Des millions ! Elle décide de les remercier en faisant autant de parts de pain qu’il y a de personnes concernées... sous l’œil vigilant des oiseaux. Un récit drôle avec des miettes de morale.
La lecture est aussi un travail qui exige des outils, de l’organisation dans les capacités de traitement, la mise en œuvre de techniques, la coopération (avec l’auteur notamment), tout ça au service d’un projet. Les opérations intellectuelles requises sont de plus en plus au centre des livres, parfois même (comme nous allons le voir) leur thème principal : à travers une histoire et ses personnages, ce sont en fait, des comportements qui sont mis en avant : s’ils privilégient le sujet, ses projets, son activité, ils insistent sur le rôle indispensable de la collectivité humaine dans le devenir individuel. L’abstraction procède ainsi de divers échanges.